En
1942, l’agent spécial Joe Lucas est convoqué par J. Edgar
Hoover, le tout-puissant patron du FBI. Celui-ci lui confie une mission
bien singulière : il doit se rendre à Cuba où l’écrivain
américain Ernest Hemingway s’est mis en tête de créer
un réseau de contre-espionnage qu’il a baptisé l’usine à
forbans. Lucas doit lui servir de conseiller technique tout en surveillant
ses activités.
De prime abord, cette mission ressemble à une voie de garage
pour Lucas. Hemingway et ses acolytes forment une bande de joyeux amateurs
inoffensifs qui rêvent de capturer des espions nazis et même
un sous-marin allemand ! Mais, ce qui à première vue ressemble
plutôt à une mascarade révèle peu à peu
des dessous troublants, et l’agent du FBI ne tarde pas à s’inquiéter
d’une situation beaucoup plus compliquée qu’il n’y paraissait de
prime abord. Le réseau d’amateurs d’Hemingway soulève en
effet bien des questions inattendues…
Les Forbans de Cuba mêle allégrement la réalité
historique à la fiction. Le personnage de Joe Lucas, qui fait office
de narrateur, assure le lien entre ces deux facettes du roman. Dan Simmons
nous plonge vraiment dans l’époque qu’il décrit, en évoquant
la vie de famille d’Hemingway « comme si l’on y était ».
Réceptions, ballades en bateau, réflexions sur l’écriture,
Dan Simmons ne nous épargne absolument aucun détail, mais
sans jamais nous lasser. L’alternance de ces parties quasi biographiques
centrées sur la personnalité d’Hemingway avec celles dévolues
au personnage de Joe Lucas, plus mouvementées dans la tradition
du roman d’espionnage, atteint un parfait équilibre. L’intrigue
imaginée par Dan Simmons pour coller au plus près des faits
historiques est très astucieuse, et l’auteur s’est visiblement beaucoup
amusé à ce petit jeu. Ainsi, outre Hemingway, de nombreux
autres personnages historiques font une apparition dans le roman, à
commencer par J. Edgar Hoover qui donne lieu dès le début
à un vrai morceau d’anthologie. Mais on croise aussi au gré
du récit Marlene Dietrich, Gary Cooper ou Ingrid Bergman. Quant
à Ernest Hemingway, figure centrale du roman et véritable
moteur du livre, c’est un personnage exubérant, flamboyant, fantasque,
colérique, mais surtout énigmatique. Et cette personnalité
complexe que Joe Lucas s’efforce de cerner restera jusqu’au bout un mystère
insaisissable.
Dan Simmons nous livre une nouvelle fois une oeuvre riche et touffue,
mais dont la lecture est d’une limpidité exemplaire. Un petit détail
tout de même : Il s’agit d’un roman d’espionnage. Ici pas la moindre
trace de science-fiction ni de fantastique. Qu’importe, c’est un très
bon bouquin, et c’est l’essentiel, non ? Il faut même saluer l’aisance
avec laquelle l’auteur se joue des étiquettes et passe avec bonheur
d’un genre à l’autre. |