Tout
commence par une découverte peu banale lors de fouilles archéologiques
en Israël : auprès d’un squelette vieux de deux mille ans,
un étudiant exhume une pochette contenant la notice d’un caméscope
Sony. Or, il s’avère que ce caméscope est d’un nouveau modèle
qui ne sera pas commercialisé avant trois ans. D’autres indices
sont particulièrement troublants, comme la présence de plombages
modernes aux dents du squelette, dont l’âge ne fait pourtant aucun
doute.
Il n’en faut pas davantage pour que le responsable des fouilles et
son commanditaire, un richissime homme d’affaires, évoquent l’hypothèse
que le cadavre pourrait bien être celui d’un voyageur temporel qui
aurait réalisé une vidéo de Jésus Christ.
Sur ce point de départ particulièrement excitant, Andreas
Eschbach bâtit une intrigue tout entière dévolue à
la recherche de cette vidéo. Multipliant les rebondissements et
distillant les révélations au compte-goutte, l’auteur s’attache
surtout à dépeindre une galerie de personnages de plus en
plus nombreux au fur et à mesure que l’intrigue avance. Peu à
peu, le contenu de la vidéo perd de son importance aux yeux du lecteur.
L’intéressant ici, ce sont plutôt les diverses réactions
que provoque la possibilité d’avoir la preuve irréfutable
de l’existence, ou de la non existence de Jésus Christ. Il y a l’écrivain
de science-fiction qui est dépassé par la réalité
; le financier apparemment cynique mais qui se révèle finalement
obsédé par le contenu de la vidéo ; l’étudiant
à l’origine de la découverte qui s’obstine à découvrir
la vérité ; l’envoyé du Vatican qui ne voit là
qu’une menace potentielle pour l’Eglise et qui bouscule sans même
s’en rendre compte l’image idéalisée de l’Eglise que se fait
le prêtre local, et bien d’autres personnages d’horizons très
divers, qui ne font souvent qu’une brève apparition mais qui contribuent
à créer un tableau très varié de réactions
vis-à-vis de la religion.
Au final, certains pourront regretter de ne pas en savoir plus sur le
contenu de la vidéo et trouver que l’auteur prend peu de risques,
qu’il reste bien consensuel. Il est vrai qu’on peut lui reprocher de manquer
d’ambition dans son propos, car il évite soigneusement toute révélation
fracassante en réduisant à la portion congrue la part science-fictive
de l’histoire. Eschbach s’intéresse plus à notre époque
qu’au passé et montre à quel point des événements
vieux de deux mille ans influent encore aujourd’hui sur nos actes, alors
que finalement, seuls devraient compter les actes présents et non
leur justification à l’aune d’événements passés.
Certes, ce n’est pas une révélation, mais cela n’empêche
pas le roman d’être un divertissement très réussi et
particulièrement prenant, où l’auteur égratigne au
passage quelques-uns uns de nos travers actuels, telle l’importance exagérée
que l’on accorde aux médias audiovisuels dans notre société.
Jésus Vidéo n’est peut-être pas un roman très
original, mais c’est un solide roman d’aventure qui réussit à
tenir le lecteur en haleine pendant 600 pages. Comme quoi, c’est parfois
dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes !
Quoi qu’il en soit, après le coup d’éclat jusqu’ici inégalé
de Des Milliards de tapis de cheveux, après le thriller spatial
qu’était Station solaire, Andreas Eschbach explore avec ce
troisième roman un nouveau registre très éloigné
de ses deux précédents opus, et il fait preuve d’un talent
polyvalent assez impressionnant. On attend avec curiosité de savoir
où son imagination le portera ensuite... |