Andreas Eschbach

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Des milliards de tapis de cheveux
(Die Haarteppichknüpfer - 1995 - L'Atalante) ++++
Des milliards de tapis de cheveuxDans toute la Galaxie de Gheera, sur chaque planète, la caste des tisseurs fabrique inlassablement des tapis de cheveux. Chaque tisseur utilise les cheveux de sa femmes et de ses concubines, puis ceux de ses filles pour réaliser un unique tapis qui sera l’œuvre de toute sa vie. Les tapis confectionné par les tisseurs sont vendus aux marchands afin d’orner le palais de l’empereur. La vie de tout les habitant semble tourner autour du culte voué à l’empereur qui règne depuis la nuit des temps. Mais que deviennent ces innombrables tapis de cheveux fabriqués depuis un nombre incalculable de génération, et dont personne n’a vu la moindre trace dans le palais de l’empereur ?

Voici un roman étonnant, un space opéra gigantesque dont chaque chapitre nous conte un fragment d’histoire centré sur un personnage différent. Le roman ressemble donc à un assemblage de nouvelle, mais les récits étant reliés les uns aux autres et formant un ensemble digne des plus grand livres univers. La chute de chaque chapitre est souvent surprenante et il se dégage de l’ensemble une impression de nostalgie. Et la révélation finale conclu majestueusement ce roman somptueux. L’Atalante nous offre ici un échantillon de SF allemande qui se révèle être un joyaux à ne rater sous aucun prétexte.

Station Solaire
(Solarstation - 1996 - L'Atalante) +++
Station SolaireAu début du XXIe siècle, la conquête de l’espace a été abandonnée par les Américains et ce sont les Japonais qui ont repris le flambeau avec des projets ambitieux, mais coûteux. Le plus important se déroule à bord de la station spatiale Nippon qui, en orbite à 400 km au-dessus de la Terre, expérimente un programme de captage de l’énergie solaire. 
Après des premiers essais concluants, le programme connaît depuis deux mois des problèmes à répétition lors de la transmission de l’énergie vers la Terre. Le commandant de la station soupçonne un sabotage et charge Leonard Carr, le seul occidental à bord, de mener une enquête discrète sur les astronautes qui vivent dans la station. Carr est le responsable de la maintenance et de la sécurité, ce qui lui permet d’y circuler librement. 

La première partie du roman est consacrée à la description de la vie quotidienne des occupants de la station spatiale : l’auteur nous emmène dans tous ses recoins pour nous montrer comment elle fonctionne. On n'ignore plus rien des problèmes pratiques que pose la vie en apesanteur pour des actes aussi banals que de préparer un repas, le consommer, dormir ou satisfaire un besoin naturel. Cette première partie permet de se familiariser avec l’environnement si particulier qui sert de cadre au roman, ainsi qu’avec ses personnages que l’on découvre un par un dans leur travail. Tout cela est réalisé avec une grande économie de moyens, mais avec un pouvoir d’évocation assez étonnant. Le lecteur a ainsi vraiment le sentiment d’être dans l’espace.

A partir du moment où l’un des astronautes est assassiné, le récit s’emballe soudain et chaque chapitre nous conduit de surprise en surprise jusqu’au dénouement. Le plaisir que l’on prend alors à lire ce thriller spatial vient en grande partie du fait que l’auteur a imaginé une intrigue particulièrement bien ficelée. Les descriptions du début du roman ne sont pas gratuites, car l’auteur en réutilise tous les éléments dans la suite du récit. De même, bien que l’action se déroule à huis clos à bord d’une station spatiale, la situation sur Terre (très différente de celle que nous connaissons même si le roman se déroule dans un futur proche) est extrêmement importante, tant comme moteur de l’intrigue que pour motiver les actions des personnages.

Station Solaire est avant tout un thriller spatial rempli de rebondissements. Rien de vraiment original a priori donc ; on serait même plutôt en terrain balisé, digne d’un bon gros film Hollywoodien. Mais Station solaire sort du lot grâce au talent de son auteur, qui a su bâtir une intrigue où rien n’est laissé au hasard, et qui surtout possède un talent certain pour créer un univers entier avec une extrême concision. On le savait depuis le chef d’œuvre qu’est Des Milliards de tapis de cheveux ; Andreas Eschbach le confirme avec Station Solaire, même si ce second roman n’est pas aussi original que le premier.

Jésus Vidéo
(Jesus Video - 1998 - L'Atalante) +++
Jésus VidéoTout commence par une découverte peu banale lors de fouilles archéologiques en Israël : auprès d’un squelette vieux de deux mille ans, un étudiant exhume une pochette contenant la notice d’un caméscope Sony. Or, il s’avère que ce caméscope est d’un nouveau modèle qui ne sera pas commercialisé avant trois ans. D’autres indices sont particulièrement troublants, comme la présence de plombages modernes aux dents du squelette, dont l’âge ne fait pourtant aucun doute.
Il n’en faut pas davantage pour que le responsable des fouilles et son commanditaire, un richissime homme d’affaires, évoquent l’hypothèse que le cadavre pourrait bien être celui d’un voyageur temporel qui aurait réalisé une vidéo de Jésus Christ.

Sur ce point de départ particulièrement excitant, Andreas Eschbach bâtit une intrigue tout entière dévolue à la recherche de cette vidéo. Multipliant les rebondissements et distillant les révélations au compte-goutte, l’auteur s’attache surtout à dépeindre une galerie de personnages de plus en plus nombreux au fur et à mesure que l’intrigue avance. Peu à peu, le contenu de la vidéo perd de son importance aux yeux du lecteur. L’intéressant ici, ce sont plutôt les diverses réactions que provoque la possibilité d’avoir la preuve irréfutable de l’existence, ou de la non existence de Jésus Christ. Il y a l’écrivain de science-fiction qui est dépassé par la réalité ; le financier apparemment cynique mais qui se révèle finalement obsédé par le contenu de la vidéo ; l’étudiant à l’origine de la découverte qui s’obstine à découvrir la vérité ; l’envoyé du Vatican qui ne voit là qu’une menace potentielle pour l’Eglise et qui bouscule sans même s’en rendre compte l’image idéalisée de l’Eglise que se fait le prêtre local, et bien d’autres personnages d’horizons très divers, qui ne font souvent qu’une brève apparition mais qui contribuent à créer un tableau très varié de réactions vis-à-vis de la religion.

Au final, certains pourront regretter de ne pas en savoir plus sur le contenu de la vidéo et trouver que l’auteur prend peu de risques, qu’il reste bien consensuel. Il est vrai qu’on peut lui reprocher de manquer d’ambition dans son propos, car il évite soigneusement toute révélation fracassante en réduisant à la portion congrue la part science-fictive de l’histoire. Eschbach s’intéresse plus à notre époque qu’au passé et montre à quel point des événements vieux de deux mille ans influent encore aujourd’hui sur nos actes, alors que finalement, seuls devraient compter les actes présents et non leur justification à l’aune d’événements passés. Certes, ce n’est pas une révélation, mais cela n’empêche pas le roman d’être un divertissement très réussi et particulièrement prenant, où l’auteur égratigne au passage quelques-uns uns de nos travers actuels, telle l’importance exagérée que l’on accorde aux médias audiovisuels dans notre société. Jésus Vidéo n’est peut-être pas un roman très original, mais c’est un solide roman d’aventure qui réussit à tenir le lecteur en haleine pendant 600 pages. Comme quoi, c’est parfois dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes !

Quoi qu’il en soit, après le coup d’éclat jusqu’ici inégalé de Des Milliards de tapis de cheveux, après le thriller spatial qu’était Station solaire, Andreas Eschbach explore avec ce troisième roman un nouveau registre très éloigné de ses deux précédents opus, et il fait preuve d’un talent polyvalent assez impressionnant. On attend avec curiosité de savoir où son imagination le portera ensuite...


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