Simon
Morley mène une petite vie tranquille et morne. Son travail de dessinateur
pour une agence de publicité n’est guère stimulant, et il
se remet doucement de son divorce. Aussi, lorsqu’il se voit proposer de
participer à un projet gouvernemental mystérieux dirigé
par le Pr. Danziger, il est intrigué et intéressé
malgré lui.
Le professeur a une théorie surprenante sur le temps. Il considère
que le passé et le futur sont toujours là, mais que nos perceptions
nous limitent à n‘appréhender que le présent. Tout
dans notre environnement nous rappelle à quelle époque nous
vivons. Le professeur est persuadé que pour voyager dans le temps,
il suffirait de recréer les conditions les plus exactes possibles
d’une période du passé afin de se conditionner mentalement
à y vivre. Simon se retrouve donc à étudier le XIXe
siècle et passe son temps, seul dans un vieil immeuble, à
se persuader qu’il vit en 1882. L’expérience est difficile et le
découragement n’est pas loin, jusqu’au jour où, sortant faire
une promenade, il se retrouve vraiment en 1882 pendant une demi-heure.
Cette courte expérience est la première réussite du
projet et Simon devient le fer de lance du programme d’étude. Il
retourne dans le passé en s’impliquant chaque fois un petit peu
plus dans ce temps révolu.
Le voyage de Simon Morley est sans doute l'une des histoires
les meilleures et les plus originales qui aient été écrites
sur le thème du voyage temporel. Tout d’abord, cette manière
de voyager dans le temps en se débarrassant de toute technologie
permet au lecteur de se plonger avec Simon Morley dans le New York de 1882,
si différent de celui d'aujourd'hui qu’il apparaît d’abord
comme une lointaine contrée exotique, lorsque le héros et
narrateur de l’histoire parcourt la ville pour la première fois,
comme un touriste se promènerait dans un décor de carte postale
en s’émerveillant du moindre détail. Puis, au fur et à
mesure de ses contacts avec les gens qu’il croise, Simon s’aperçoit
que ces derniers sont aussi réels que lui et le décor perd
définitivement son côté carte postale pour devenir
plus concret encore. Lorsqu’il s’installe dans une petite pension pour
quelques jours, on découvre avec lui les pensionnaires et leur quotidien,
dans lequel Simon se coule peu à peu. L’identification du lecteur
à Simon Morley est totale, le récit nous permettant de nous
immerger dans le passé en même temps et avec la même
intensité que le protagoniste, ou presque.
Ce roman a la particularité de contenir de nombreuses illustrations
: des dessins effectués par le narrateur ou des photos prises par
lui ou par un autre personnage. Simon Morley commente ces illustrations
dans son récit et on a parfois l'impression de lire un reportage,
tellement les détails sur le XIXe siècle sont nombreux. On
se prend à rechercher sur une photo tel détail signalé
par le narrateur, à retracer le chemin qu’il a parcouru, à
s’attarder sur le dessin d’un personnage, bref, quelle magnifique idée
que ces illustrations qui renforcent un texte déjà extraordinaire
!
Mais le roman est bien loin de se limiter à la description étonnamment
réaliste et un brin nostalgique d’un temps révolu. C’est
aussi une très belle histoire d'amour à travers le temps,
une enquête sur un mystère du passé, sans oublier les
inévitables questions sur les modifications de l’histoire, ainsi
que bien d’autres rebondissements qui laissent le lecteur émerveillé
et abasourdi jusqu’au dénouement, implacable de logique. Lorsqu’après
cinq cents pages d’un voyage intense on referme enfin le livre, un seul
mot s’impose à l’esprit pour le qualifier : chef-d’œuvre ! |