Avec
La Maison des Atréides, le fils de Frank Herbert, associé
pour l’occasion avec Kevin J. Anderson, retrouve l’univers de l’un des
chef-d’œuvres de la science-fiction, Dune. La présence de
Kevin J. Anderson, auteur familier des univers franchisés de Star
Wars ou X-Files n’est pas faite pour rassurer le fan du cycle de Frank
Herbert, surtout s’il a déjà été échaudé
par d’autres entreprises du même genre visant à prolonger
l’œuvre célèbre d’un auteur disparu. Mais ce fan encore ébloui
par les souvenirs de ses lectures ne peut pas toujours refréner
l’appétit réveillé par cet appât opportuniste,
et espère contre toute attente y retrouver des fragments du plaisir
initial. Voyons ce qu’il en est :
La Maison des Atréides se déroule une trentaine
d’années avant Dune. Le Baron Vladimir Harkonnen vient de
remplacer son demi-frère au poste de gouverneur d’Arrakis et entend
bien tirer le maximum de profit de l’exploitation de l’épice. L’empereur
Elrood IX nomme Pardot Kynes planétologiste impérial chargé
de comprendre le fonctionnement d’Arrakis. Le jeune Leto Atréides
est envoyé par son père sur la planète Ix afin de
parfaire son éducation… Le lecteur familier de l’œuvre de Franck
Herbert se retrouve instantanément plongé dans l’univers
si familier de Dune. Tout y est : la planète des sables avec
ses Fremens et ses vers géants, les complexes alliances et les jeux
de pouvoir auxquels se livrent les grandes familles, l’empereur, le Lansraad,
la CHOM, la Guilde Spatiale, les rivalités entre Harkonnen et Atréides,
la planète Ix, le Bene Tleilax et ses mystérieux danseurs-visages,
le Bene Gesserit et ses programmes génétiques, le jeune Duncan
Idaho (et que serait un roman du cycle de Dune sans Duncan Idaho
!)… Bref, c’est avec une certaine délectation que l’on retrouve
tout cela.
Mais bientôt, on comprend que si les auteurs saupoudrent leur
récit de tous les termes inventés par Frank Herbert (histoire
de rappeler que l’on est bien dans l’univers de Dune), cela tourne vite
au procédé artificiel. Les deux auteurs ne semblent avoir
retenu de l’univers de Dune que son exotisme et son vocabulaire,
sans se préoccuper de sa substance. Ils réutilisent les éléments
de l’univers de Frank Herbert pour en faire autant de lieux communs et
de clichés. Ainsi le roman nous offre une redite de certaines séquences
qui faisaient de Dune un livre magique. Il débute par le
survol d’une exploitation d’épice par le baron Harkonnen qui découvre
Arrakis. On a également droit à l’empoisonnement d’un personnage
important, à une petite ballade à dos de ver dans le désert
pour Pardot Kynes et à bien d’autres séquences qui ne sont
qu’un décalque de celles de Dune…
Les auteurs n’apportent rien de nouveau, se concentrant sur l’action
plutôt que sur le fond de l’histoire. Ils ne font que réutiliser
un décor qui a fait ses preuves. Pire, ils le dénaturent
en réduisant un univers d’une richesse et d’une profondeur exceptionnelles
à un space opéra sans grande originalité. Quand on
sait le soin accordé à l’écologie de Dune par Frank
Herbert, on ne peut que frémir devant le parcours affligeant de
platitude de Pardot Kynes, dont le travail de planétologiste est
à peine évoqué. Le personnage devenant rapidement
un prophète aux yeux des Fremens, son destin rappelle bien trop
celui de Paul Muad’Dib.
Le roman est certes suffisamment riche et habile pour que le lecteur
passe un moment agréable. Pris isolément, c’est un roman
sympathique et sans prétention, sitôt lu, sitôt oublié.
De la SF pop-corn, en quelque sorte. Mais le problème est qu’il
s’inscrit dans un cycle qui est devenu un monument de la SF, et qu’il fait
tout simplement bien pâle figure à côté de l’œuvre
de Frank Herbert, car les deux auteurs réunis pour écrire
cette suite ne lui arrivent pas à la cheville. Bref, La lecture
de La Maison des Atréides confirme une fois de plus que ce
genre d’entreprise ne mène nulle part et conduit à ressasser
éternellement la même chose. Mieux vaut lire et relire Dune
que d’entrer dans cette Maison des Atréides… |