Si
la Fantasy est bien trop souvent associée aux épopées
médiévales remplis de gnomes, de trolls, d’elfes et de héros
dont la destinée est de sauver le monde, voici un roman qui est
un magnifique exemple de ce que la fantasy peut offrir de différent.
Barry Hughart nous plonge au cœur de la Chine du VIIème siècle,
lors de l’Année du Tigre 3337 (639 après J-C.) dans le petit
village de Kou-Fou. C’est là que vit Bœuf numéro Dix, ainsi
nommé parce qu’il est le dixième fils de son père
et de carrure imposante. La vie serait plutôt paisible dans ce coin
perdu de la Chine, sans la présence de Ma le grigou et de Fang le
prêteur, deux usuriers qui pressurent les habitants. Le jour du dix-neuvième
anniversaire de Bœuf, le village est frappé par une étrange
épidémie qui touche uniquement les enfants âgés
de huit à treize ans. Bœuf Numéro Dix se rend à Pékin
pour y chercher de l’aide. Après maintes rebuffades, il la trouve
dans une ruelle sombre et malodorante en la personne de Maître Li,
un vénérable vieillard au « léger défaut
de personnalité », alcoolique mais encore alerte, et dont
la cervelle fait toujours des étincelles. Dès son arrivée
au village, il a tôt fait de trouver la cause de l’épidémie
et d’identifier les responsables. Mais la véritable quête
commence lorsque Bœuf numéro Dix et Maître Li partent à
la recherche du seul remède à même de guérir
les enfants, la Grande Racine de Puissance.
La quête des deux héros est l’occasion de les précipiter
dans des aventures rocambolesques qui les amèneront à risquer
leur vies à chaque chapitre, à faire fortune et à
dilapider celle-ci dans la même journée. C’est aussi le prétexte
à de nombreuses digressions qui nous font découvrir une Chine
de légende peuplée de personnages aussi puissants que cruels
et aussi riches que ladres. Au fil du récit, on croise des esprits
qui ne trouvent pas le repos, d’étranges machines volantes et des
personnages toujours plus loufoques dans des décors grandioses.
L’on y apprend quantité de choses passionnantes, comme par exemple
les multiples étapes de la préparation du Porc-épic,
le plat le plus succulent qui soit. Mais attention, la moindre petite erreur
de manipulation lors de la préparation du plat et c’est une mort
foudroyante qui attend les convives ! Le récit est à l’image
de cet immense et vieux pays qu’est la Chine, d’un exotisme porteur d’un
constant émerveillement. Et puis, surprise, toutes ses intrigues
a priori secondaire et leurs chatoyantes descriptions se retrouvent liées
à la malédiction de la princesse des oiseaux ainsi qu’à
la quête des deux héros. Et l’auteur renoue avec brio tous
les fils du roman.
Les aventures de Maître Li et Bœuf numéro Dix sont décidément
hilarantes et originales. On regrettera juste qu’il y manque parfois un
peu d’émotion, le destin tragique de certains personnages n’étant
pas aussi émouvant qu’il le devrait, mais cette petite restriction
mise à part, La magnificence des oiseaux est un roman jubilatoire
qui se lit avec le sourire aux lèvres. Et une fois sa lecture terminée,
on se réjouit de savoir que l’auteur lui a donné deux suites… |