Pour
son premier roman, Guy Thuillier nous projette un siècle en avant,
en 2099, dans un futur qui ressemble furieusement à notre présent
: les campagnes sont désertées au profit des villes, où
la pollution est telle que la météo indique si l’air est
respirable ou si l’on doit porter un masque de protection.
Mais, ce qui intéresse le plus l’auteur, c’est le cyberespace,
décrit avec un luxe de détails incroyable de réalisme.
Il est à la fois au cœur du roman et au cœur de cette société
future. C’est dans les mondes virtuels qu’ont lieu une grande partie des
relations sociales, c’est là que se jouent les batailles politiques
(ah, le déroulement des élections présidentielles
en direct live !).
Le cyberespace est divisé en neuf niveaux ou cercles, selon la
vocation des univers virtuels : loisirs, éducation, commerce… Le
neuvième cercle est réservé aux simulations d’univers
ultra-réalistes, qui vont jusqu'à induire la douleur. Arthur,
le héros du roman, est un personnage ordinaire plutôt falot,
il a une bonne situation de chercheur en cybernétique et n’entretient
guère de relations sociales. Il mène une petite vie paisible
et passe énormément de temps connecté à son
‘tapivol’, jusqu’à ce qu’il goûte pour la première
fois aux plaisirs du neuvième cercle dans une reconstitution particulièrement
réaliste des croisades. Grisé par la violence et les sensations
nouvelles, il passe de plus en plus de temps connecté, délaissant
sa vie ‘réelle’. Tout change à nouveau le jour ou il se retrouve
dans un univers mystérieux qui abolit les frontières du temps
et où il vit toute une vie virtuelle en quelques heures.
Arthur est alors de plus en plus perdu, confondant l’univers virtuel
et la réalité. Réalité qui lui joue d’ailleurs
des tours bizarres lorsque le nombre de tiroirs de sa commode augmente
ou lorsqu’il a l’impression de revivre des événements. Arthur
(et le lecteur avec lui) se met alors à douter de tout ce qui l’entoure.
C’est là le point faible du roman, jusqu’ici parfaitement réussi.
La dernière partie est un peu décevante, se perdant un peu
trop dans les jeux de miroirs pour se terminer d’une manière qui
se veut surprenante, mais qui est trop artificielle pour être convaincante.
Pour un premier roman, il s’agit là cependant d’un essai plus
que concluant. |