Anne
McCaffrey revient encore à son cycle le plus célèbre
pour nous raconter cette fois-ci la jeunesse de Robinton, le Maître
Harpiste de Pern, l’un des personnages les plus attachants et les plus
importants de la saga, notamment parce qu’il est le plus haut représentant
de l’Atelier des Harpistes qui est le sanctuaire de la culture pernaise,
les harpistes faisant office à la fois de troubadours, de professeurs
et d’historiens.
Tout commence donc par la naissance du petit Robinton, naissance dont
sa mère, la plus célèbre cantatrice de Pern se remettra
difficilement. Petiron, le père de Robinton est quant à lui
un compositeur respecté, qui aime profondément sa femme,
mais d’un amour trop exclusif pour que son fils y trouve sa place. L’enfance
de Robinton à l’Atelier des Harpistes serait des plus heureuses,
d’autant qu’il montre dés le plus jeune âge des dons plus
qu’affirmés pour la musique, sans la présence de ce père
peu aimant que les actes de son fils ne satisfont jamais. Mais cette froideur
paternelle est compensée par la complicité qu’il entretient
avec sa mère.
Cette première partie du roman, consacrée à l’enfance
du personnage, est très réussie, Anne McCaffrey n’étant
jamais aussi à l’aise que lorsqu’elle décrit l’enfance de
ses personnages et la vie quotidienne d’une communauté. Ainsi, de
la jeunesse de Robinton se dégage malgré tout une constante
impression de bonne humeur et de joie de vivre, parce qu’il est entouré
d’une foule de personnages secondaires toujours très vivants et
pour la plupart fort sympathiques.
Puis, lorsque Robinton devient compagnon harpiste et quitte le nid douillet
de l’Atelier, il se trouve peu à peu confronté aux problèmes
politiques de Pern et acquiert progressivement le statut qui sera le sien.
La planète Pern vit alors son plus long intervalle entre deux chutes
de Fils, ces organismes qui détruisent tout sur leur passage. Certains
remettent en cause la possibilité de leur retour, déniant
ainsi l’utilité des chevaliers-dragons chargés de combattre
ce fléau et dénigrant l’enseignement des harpistes accusés
de propager des mensonges. Cette opposition à la tradition est symbolisée
par Fax, un seigneur cruel et ambitieux. C’est là que le roman trouve
sa limite, car Fax incarne de manière exclusive et caricaturale
la figure du tyran qui s’accapare le pouvoir de manière sournoise,
et dont la seule motivation semble être d’acquérir plus de
pouvoir au détriment des autres. Cela rend l’intrigue bien manichéenne
et la fin du roman est un peu décevante à cause de ce manque
de subtilité.
Bien que le roman puisse se lire indépendamment des autres volumes
de la série, sa conclusion, si elle est sans surprise pour les habitués
du cycle de Pern, risque de laisser sur sa faim le lecteur qui découvre
le monde de Pern (on lui conseillera de continuer avec Le Vol du Dragon).
Le manque de détails sur certains aspects importants de la vie sur
Pern (comme le fonctionnement d’un Weyr, la relation entre les chevaliers
et leurs dragons et bien d’autres points sur lesquels l’auteure s’étend
ici très peu puisqu’elle a maintes fois décrit tout cela
dans les précédents volumes) peut également être
un peu gênant pour le lecteur novice dans le cycle.
Au final, Le Maître Harpiste de Pern est malgré
tout un excellent roman, même s’il faut reconnaître que la
série a tendance à ronronner sur ses acquis depuis quelques
temps. Plutôt que de revenir à l’infini sur la même
période de l’histoire sans apporter de nouveaux éléments,
il serait peut-être temps pour McCaffrey d’explorer d’autres horizons,
et notamment le devenir de la société Pernaise après
la disparition de l’étoile rouge. Voilà qui ouvrirait le
champ à bien des possibilités intéressantes… |